Le développement de l’industrie est indissociable de celui du salaire entre 1830 et 1939. La notion de salariat commence à s’affirmer en France sous napoléon III . Elle devient alors le mode majeur de régulation des relations du travail à la veille de la seconde guerre mondiale.
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Salaire vient du latin salarium, la ration de sel qui désignait la solde des soldats dans l’empire romain. En effet, le droit romain distingue les arts mécaniques (usage d’un instrument) et les arts libéraux (ne mettant en œuvre que le corps) qui sont seuls dignes d’un homme libre. Dans l’Ancien-Régime, et jusqu’au XIXème siècle, le salaire ne peut rémunérer que les arts mécaniques. L’attribution d’un salaire à un ouvrier laisse les parties quittes. Tandis que les honoraires versés à un médecin ou un avocat ne peuvent combler la dette contractée à leur égard. Le salarié s’est “aliéné” selon la formule de Karl Marx. Le terme de salaire a une connotation négative. On parle de salaire du crime…
Le code du travail est créé en France en 1906. Auparavant, le travail était une marchandise comme une autre, régi par le code civil de 1804. Avec la loi Le Chapelier en 1791, les corporations sont abolies et le principe de la liberté du travail est affirmé. Le contrat de louage d’ouvrage considère le travail comme un capital susceptible de négoce et productif d’un revenu. L’ouvrier marchand de son travail est la forme dominante en France au XIXème siècle.
La recherche d’un équilibre
Les partisans de Saint-Simon sont à l’origine des premières grandes entreprises. Ceux de Prouhon recherchent la justice sociale de l’instauration d’un marché équitable. Même si la machine à vapeur pousse à la concentration industrielle, la petite industrie et les rapports sociaux de travail qui lui sont associés restent dominants. Les grands marchands capitalistes distribuent le travail, mais ne l’organisent pas. C’est le chef d’atelier, à la fois ouvrier et petit patron, qui dirige le travail, reçoit la commande, recrute les ouvriers et les paie.
La notion de contrat de travail émerge progressivement du droit civil. Le contrat civil nait de l’accord de deux volontés entre égaux. Le contrat de travail comporte une dimension de subordination, mais elle n’existe que durant le temps de travail. En dehors du travail, les citoyens redeviennent égaux. Il s’agit donc bien d’un contrat.
Pour Karl Marx, l’exploitation capitaliste et l’aliénation salariale se cachent derrière l’apparence libérale du contrat. D’autre part, le taylorisme va se développer pendant la première moitié du XXème siècle. Un équilibre est cependant trouvé par la création du principe de responsabilité civile des employeurs en cas d’accident, indépendamment de toute faute. Ainsi, le fait salarial nait entre un travailleur soumis à l’autorité de l’employeur qui le protège en contrepartie. Le salaire indirect se crée : une partie est versée au salarié et l’autre sert à se prémunir des aléas (maladie, accident, chômage, retraite). En 1932, la création des allocations familiales prolonge cette collectivisation partielle des salaires.
Les grandes dates
En 1841, la loi interdit le travail des enfants de moins de 8 ans et limite à 8 heures par jour celui des enfants de 8 à 12 ans. En 1892, la journée de travail pour les femmes et les enfants jusqu’à 16 ans est limitée à 11 heures et le travail de nuit interdit. La loi Millerand de 1900 fixe la durée maximale de travail à 10 heures pour tous les travailleurs de l’industrie. Elle passe de 70 heures par semaine à 60 heures en 1906, 48 heures en 1919 et 40 heures en 1936.
La fixation du salaire reste l’objet d’un accord contractuel, le salarié ne vend plus son travail au jour le jour. Ainsi apparaissent des dispositifs de régulation collective. La dépénalisation du droit de grève en 1864 et la reconnaissance des syndicats en 1884 précèdent la Première Guerre mondiale (1914-1918), qui va voir se développer le salariat des femmes, en particulier dans les usines d’armement.
L’instauration des conventions collectives en 1919 et les accords de Matignon en 1936 sont des avancées importantes de l’entre-deux-guerres. Le salariat d’encadrement, qui apparait entre 1937 et 1944 (CFE-CGC), ne s’identifie plus désormais au patronat.